Quel sort pensez-vous mériter ? - Celui que mon souverain aurait infligé à l'un de vos généraux restés fidèles à sa cause. - S'il est un vrai roi et non pas un tyran, il louerait et récompenserait pareil acte de loyauté envers un étranger. Vous, quant à vous, avez été fidèle; mais il est indéniable que vous avez été imprudent de vous battre contre une armée bien supérieure en nombre. - Mon acte n'a pas été imprudent, car j'ai simplement suivi les directives de mon roi. Il punit sévèrement tout acte de lâcheté à la guerre. Pareillement, il récompense le courage. D'où ma détermination à défier tous les dangers. J'ai pensé qu'avec les incertitudes de la guerre, je pourrais espérer gagner une victoire brillante, ou, en cas de défaite, être pardonné pour mon audace et mon dynamisme. Hydaspe, comblé d'éloges, est alors envoyé à Syène et les médecins de ce dernier ont la charge de veiller attentivement sur lui. Il pénètre lui-même dans la cité avec l'élite de ses armées. Les habitants de tous âges affluent pour l'accueillir. Ils couvrent ses guerriers de couronnes de fleurs cueillies sur les rives du Nil. Tous, à travers leurs chants joyeux et leurs acclamations, louent leur monarque africain. Quand il entra dans la ville, monté sur un éléphant, à la manière d'un général victorieux, sa première préoccupation fut d'offrir des sacrifices aux dieux et de les remercier pour sa récente victoire. Il interrogea les prêtres sur l'origine des fêtes du Nil et sur les monuments remarquables de la ville. Ils lui montrèrent d'abord le puits qui mesure la crue du Nil : tout comme celui de Memphis, il est fait de pierres taillées avec à l'intérieur des marques gravées à une coudée d'intervalle qui permettent d'estimer la hauteur des inondations. Ils lui montrent aussi des cadrans solaires où l'ombre disparaît au zénith à la période estivale. Bien que ces particularités ne suscitèrent pas grand intérêt chez Hydaspe (on en trouvait aussi à Méroé, en Éthiopie), les prêtres persistaient dans leurs célébrations des fêtes du Nil. Ils louaient le Nil sous les noms d'Orus et de Zeidore, présentant le fleuve comme le protecteur, le sauveur de toute l'Égypte. Ils légendaient que chaque année le fleuve apporte de la fertilité à la terre, qu'il symbolise la succession des saisons, annonçant l'été par la crue de ses eaux, l'automne par leur régression , le printemps par la floraison luxuriante sur ses rives et par la naissance des crocodiles. Ils discutaient même sur le fait que le mot "Nil" représente l'année avec ses 365 jours. Cependant, selon Hydaspe, c'est à l'Éthiopie et non à l'Égypte que revient la gloire de ce fleuve. Ils le vénèrent comme un dieu, mais en réalité, c'est l'Éthiopie qui lui donne sa fertilité.