L'Ethiopie, dont vous êtes redevable, est le berceau de vos divinités ; elle mérite votre reconnaissance. Voilà qui est juste, rétorquent les prêtres, car elle est à l'origine de notre foi et de notre rédemption. Tempérez vos éloges, suggère Hydaspe. Il rentre alors dans sa tente et passe le reste de la journée à prendre du bon temps, offrant un festin aux dignitaires éthiopiens et aux prêtres de Syène. Il accorde à ses troupes la liberté de faire la fête. Les habitants de la ville leur fournissent en échange ou en cadeau une quantité phénoménale de bœufs, de moutons, de chèvres, de porcs et de vin. Le jour suivant, assis sur son trône, Hydaspe distribue à ses combattants le butin récolté en ville et sur le champ de bataille, en fonction de leurs mérites. L'homme qui a capturé Oroondates est présent. "Demande ce que tu désires", lui dit le roi. "Sire", répond le soldat, "je ne veux rien. J'ai bien été récompensé ; j'ai obéi à vos ordres en sauvant le général des Perses ; j'ai également reçu mon dû, tant que vous me laissez ce que j'ai pris sur lui." Il montre alors la ceinture du satrape, garnie de diamants précieux et valant plusieurs talents. Parmi les témoins, certains déclarent qu'un tel trésor est au-dessus des moyens d’un individu lambda, et digne d'un roi. "Quoi de plus royal", réplique Hydaspe avec un sourire, "que de faire preuve d'autant de générosité que lui a montré de cupidité ? Les lois de la guerre autorisent le vainqueur à dépouiller son prisonnier. Garde cet objet comme un cadeau de ma part, un objet que tu aurais pu me cacher et garder sans mon consentement." Ceux qui ont capturé Chariclée et Théagènes se présentent ensuite : "Prince", disent-ils, "le butin nous a apporté plus que des diamants, de l’or ou de l’argent, des richesses courantes en Ethiopie, et disponibles à profusion dans votre palais. C'est un jeune homme et une jeune fille, frère et sœur, originaires de la Grèce. Leur beauté et leur charme ne le cèdent qu'aux vôtres et nous vous les avons déjà présentés. Prince, veuillez ne pas nous oublier dans vos bienfaits." "Vous me les avez déjà présentés, c'est vrai", réplique Hydaspe. "Mais le tumulte et la confusion m'ont empêché de les examiner convenablement. Qu'ils viennent ici, et que tous les autres prisonniers soient également présentés." Un soldat quitte rapidement la ville, se dirige vers ceux qui gardent les bagages de l'armée et leur transmet l'ordre du roi. Les deux prisonniers sont donc amenés. Ils demandent à l'un de leurs gardiens, à moitié Grec, à moitié barbare, où ils sont emmenés. "Le roi Hydaspe fait la revue de tous les prisonniers", répond le soldat. "Dieux cléments!", s'exclament-ils à l'évocation du nom d'Hydaspe car ils ignorent que ce dernier est le roi d'Ethiopie. "Mon amie", murmure Théagènes à Chariclée, "il te faudra expliquer notre situation au roi. C'est cet Hydaspe que tu disais être ton père." "Mon ami", répond Chariclée, "les grands événements exigent une préparation minutieuse. Nos aventures, dont les débuts sont si complexes, si enchevêtrés, ne peuvent aboutir brusquement et simplement. Il n'est pas de notre intérêt de révéler soudainement des évènements que de nombreuses années ont enténébrés. Ma mère Persine, gardienne du secret de ma naissance,