Entre la douceur paternelle et l'intransigeance, une lutte se joue en lui. Après un conflit intense et prolongé, il cède à son instinct : il prouve qu'il est bel et bien père, avec toutes les émotions que cela implique. Persephone, effondrée dans les bras de Chariclée qu'elle serre contre elle, est relevée par ce dernier. Il l'embrasse passionnément; des larmes paternelles s'échappent de ses yeux. Cependant, il n'oublie pas le sacrifice à venir : il marque un temps d'arrêt. Il voit le peuple partager son émoi; il le voit, ébloui par le bonheur, compléter ce tableau émouvant avec ses propres larmes. Des hurlements résonnent jusqu'au firmament. Les hérauts mandatent le silence, en vain : on ne les entend pas. En plein tumulte, les desseins de la foule ne se font pas assez clairement entendre. Enfin, le roi lève la main, enjoignant le peuple agité à se calmer, et lui adresse ces mots : "Comme vous pouvez le voir et l'entendre, les dieux m'attribuent une filiation que je n'espérais pas. Des preuves irréfutables ne me laissent plus planer de doute sur le fait que cette jeune fille est de mon sang. Cependant, tant est grand mon attachement pour vous et pour notre pays, que je mets de côté mes intérêts personnels, les liens du sang, tous les avantages qu'une telle reconnaissance m'apporterait, et je suis prêt à la sacrifier pour vous. Je vois vos larmes couler, je sens vos cœurs s'émouvoir de compassion pour une enfant aussi jeune, ma propre fille dont la vie est brutalement écourtée, ce bourgeon de ma dynastie que j'ai tant attendu en vain. Il est cependant nécessaire que nous nous conformions à la loi de nos ancêtres, même si cela vous déplaît : l'intérêt général doit primer sur l'individuel. Les dieux prennent-ils donc plaisir à me présenter ma fille pour aussitôt me la reprendre ? Je l'ai pleurée à sa naissance, et lorsque je la retrouve, je dois encore pleurer. Après l'avoir extraite du berceau de son pays natal, l'avoir expédiée aux confins du monde, et l'avoir récupérée, suite à une série de miracles, comme une prisonnière, les dieux désirent-ils que son sang innonde leurs autels ? Vous le demandez, j'offrirai en sacrifice, la fille que je viens de reconnaître comme mienne, celle à qui j'ai épargné la vie alors qu'elle était mon ennemi, celle que j'ai respectée tant qu'elle n'a été que ma captive. Je ne ferai pas preuve de faiblesse, bien que pardonnable dans mon cas. Vous ne me verrez pas vous implorer, oublier pour aujourd'hui, en faveur de la nature, les lois de notre terre, éveiller en vous une compassion d'autant plus méritée, puisque vous pouvez offrir d'autres victimes aux dieux. Plus vous êtes sensible à mes malheurs, plus vous vous souciez de ma situation, plus je dois faire pour vous, endurcir mon cœur aux souffrances personnelles, à la désolation de la malheureuse Persine, qui le même jour retrouve et perd son premier-né. Apaisez votre chagrin, cessez de verser sur votre roi des larmes vaines : ne nous préoccupons que du sacrifice. Et vous, ma fille, c'est la première et la dernière fois que je vous appelle de ce nom. Hélas ! votre beauté n'a servi à rien; vous avez retrouvé vos parents en vain : votre pays natal vous est plus cruel que les terres étrangères ; vous avez trouvé des sauveurs parmi les autres peuples, et parmi vos compatriotes, vous ne trouvez que des assassins. Ne me déchirez pas le cœur par vos gémissements; montrez la force de votre âme aujourd'hui; prouvez que le sang des rois coule dans vos veines; suivez votre père. Hélas ! ce n'est pas pour un hyménée qu'il prépare ; ce n'est pas dans la chambre nuptiale, dans les bras d'un époux qu'il vous conduit; c'est une victime qu'il habille pour le sacrifice. Les torches sacrées s'élevèreront sur les autels, en lieu et place des flammes de l'hymen; cette enfant innocente