PRÉFACE. Le peuple Grec est le plus digne de l'humanité ; je mets de côté les Lacédémoniens car, même si la société a tout fait pour eux, ils n'ont rien fait pour elle. Les Grecs n'ont peut-être pas créé les bases de la civilisation ou les premiers principes des lois, qu'ils pourraient avoir hérité des Égyptiens. En effet, ils ne sont peut-être pas les bâtisseurs de la société, mais on ne peut leur retirer le mérite de l'avoir renforcée, stabilisée, embellie et lui avoir donné cette grandeur majestueuse qui étonne le philosophe et l'observateur. C'est grâce aux Grecs que nous avons hérité de tous ces arts, fruits du génie et de l'imagination, qui sont des dons divins faits à l'homme pour alléger le fardeau de ses souffrances, pour guérir les blessures profondes que les révolutions furieuses et sauvages laissent dans le cœur. La Grèce a été le berceau de la sculpture et de la peinture. C'est le même génie qui inspire aujourd'hui les David et les Guérin, qui inspirait les Appelles et les Zeuxis, il y a deux mille ans. C'est en Grèce qu'a retenti la poésie la plus douce et la plus vigoureuse. C'est en Grèce que l'éloquence a régné avec le plus d'autorité. C'est en Grèce que la philosophie a commencé à explorer les merveilles de la nature. C'est à Athènes que Socrate a fait descendre la morale du ciel pour enseigner aux hommes leurs devoirs envers la divinité, envers la patrie et envers eux-mêmes. C'est la même Grèce qui a pu pousser la raison humaine à son plus haut niveau de perfection, sans l'aide de la révélation. Même cet art, qui ne vise qu'à préserver ou perturber la paix du monde, à mesurer la force des empires, à peser les intérêts et les ressources des nations ; cet art, qui semble ne pouvoir être perfectionné que par une longue série de siècles, la politique, a peut-être réalisé ses plus grandes prouesses à l'époque de Thémistocle, Périclès, Alcibiade, Démosthène et Philippe. C'est aux Grecs que nous devons toutes ces connaissances, qui créent presque autant de distance entre un homme et un autre que la nature en a placé entre l'homme et la bête. La Grèce, en un mot, semble comparable à un grand foyer dont les flammes ont éclairé une partie du monde, dont la lumière a diminué pendant un certain temps, bien qu'elle n'ait jamais cessé de briller, jusqu'à ce que la chute de Constantinople fasse jaillir quelques étincelles.