» L’autre ne sait s’il a tort ou raison ; mais il s’est exposé au péril uniquement par courtoisie et par bonté, et pour ne pas laisser périr tant de beauté. Moi, j’apporte le salut à celle qui est innocente et le châtiment à qui a usé de fausseté. Mais, pour Dieu, arrête d’abord ce combat ; puis donne-moi audience pour entendre ce que je vais te raconter. » Le roi fut si ému du ton d’autorité d’un homme aussi digne que lui paraissait être Renaud, qu’il fit un signe pour que le combat ne fût pas poussé plus loin. Alors, en présence des ba- rons du royaume, des chevaliers et des autres spectateurs, Re- naud dévoila toute la fourberie que Polinesso avait ourdie contre Ginevra ; Et il s’offrit à prouver par les armes que ce qu’il avait dit était vrai. Il appela Polinesso, et celui-ci parut, mais le visage tout troublé. Pourtant il commença à nier avec audace. Renaud dit : « Nous allons voir à l’épreuve. » L’un et l’autre étaient ar- més, le champ tout préparé, de telle sorte que sans retard ils en viennent aux mains. Oh ! comme le roi, comme son peuple font des vœux pour qu’il soit prouvé que Ginevra est innocente ! Tous ont l’espérance que Dieu montrera clairement qu’elle a été accusée injustement d’impudicité. Polinesso avait la réputation d’un homme cruel, orgueilleux, inique et trompeur, si bien qu’à per- sonne il ne paraît extraordinaire qu’une semblable fourberie ait été ourdie par lui. L’air consterné, le cœur tremblant, le visage pâle, Polinesso attend, et au troisième son de la trompette, il met sa lance en arrêt. De son côté, Renaud se lance contre lui, et, désireux d’en finir, il le vise de façon à lui transpercer le cœur avec sa lance. L’effet suit de près le désir, car il lui plonge la moitié du fer dans la poitrine. – 101 –