La lance fixée dans le corps, Polinesso est jeté à plus de six brasses loin de son destrier. Renaud saute promptement à terre, et, avant qu’il puisse se relever, lui saisit le casque et le délace. Mais celui-ci, qui ne peut plus continuer le combat, lui demande merci d’un air humble, et confesse, devant le roi et la cour qui l’entendent, la fraude qui l’a conduit à la mort. Il n’achève pas ; au milieu de ses aveux, la voix et la vie l’abandonnent. Le roi, qui voit sa fille sauvée de la mort et de l’infamie, joyeux et consolé, est plus heureux que si, après avoir perdu sa couronne, il se la voyait rendre. Il glorifie uniquement Renaud. Puis, après l’avoir reconnu dès que celui-ci a ôté son casque – car il l’avait vu plusieurs fois déjà – il lève les mains au ciel, et remercie Dieu de lui avoir envoyé ainsi à temps un tel défen- seur. Quant à l’autre chevalier inconnu qui avait secouru Gine- vra dans sa triste situation, et avait combattu pour elle, il se te- nait à l’écart, attentif à tout ce qui venait de se passer. Le roi le pria de dire son nom ou de se laisser voir au moins à découvert, afin qu’il pût le remercier et lui offrir la récom- pense que méritait sa bonne intention. Celui-ci, après qu’on l’eut prié longuement, ôta son casque et se montra en plein jour. Je vous dirai qui il était dans le chant qui va suivre, s’il vous est agréable de l’entendre. – 102 –