Chant VI ARGUMENT. – On reconnaît que le chevalier inconnu est Ariodant, l’amant de Ginevra. Le roi la lui donne pour femme et pardonne à Dalinda. – Roger est porté par l’hippogriffe dans l’île d’Alcine, où Astolphe, cousin de Bradamante, changé en myrte, lui conseille de ne pas aller plus avant. Roger veut s’éloigner de l’île ; divers monstres s’opposent en vain à sa fuite ; mais surviennent plusieurs nymphes qui le font changer de résolution. Malheur à celui qui, faisant le mal, s’imagine que son crime restera toujours caché ! Alors que tous le tairaient, l’air et la terre elle-même où est ensevelie sa victime le crieraient tout autour de lui. Et Dieu fait souvent que le péché pousse le pé- cheur à le rendre lui-même fortuitement manifeste, sans qu’il en soit accusé par personne, ou après qu’il en a été absous. Le misérable Polinesso avait cru cacher à tout jamais son crime en faisant disparaître Dalinda qui le connaissait et pou- vait seule le dénoncer. En ajoutant un second crime au premier, il avança le châtiment qu’il pouvait différer et éviter peut-être. Mais sa propre précipitation le fit courir à la mort. Et il perdit d’un seul coup ses amis, sa vie, son rang et, ce qui fut bien pis encore, l’honneur. J’ai dit plus haut que le che- valier dont on ne sait pas encore le nom fut longtemps prié de se faire connaître. Il ôte enfin son casque, et montre aux yeux des assistants un visage aimé et qu’ils ont vu plus d’une fois ; et il fit voir qu’il était Ariodant, que l’Écosse entière pleurait ; – 103 –