poursuite de son amant et se dérober à lui, la vierge Aréthuse 44 se fraya en vain sous la mer un chemin sombre et étrange. Le chevalier n’avait rien vu d’aussi beau ni d’aussi agréable dans tout son voyage à travers les airs ; et, s’il avait cherché par le monde entier, il n’aurait pas vu de plus joli pays que celui où, après avoir plané un grand moment, le grand oiseau descendit avec Roger. Ce n’était partout que plaines cultivées, collines charmantes, eaux claires, rives ombreuses et prés moelleux. De ravissants bosquets de lauriers odorants, de palmiers, de myrtes gracieux, de cèdres et d’orangers qui portaient des fruits et des fleurs et entrelaçaient leurs formes belles et variées, faisaient un rempart contre les chaleurs ardentes des jours d’été, avec leurs épaisses ramures en forme d’ombrelles. Et dans leurs rameaux voltigeaient en sûreté et chantaient les rossi- gnols. Parmi les roses pourprées et les lis blancs, qu’une tiède brise conserve toujours frais, on voyait les lièvres et les lapins courir sans crainte, et les cerfs au front élevé et superbe, sans redouter d’être pris et tués, paître l’herbe et ruminer en repos. Les daims et les chèvres, agiles et pleins d’adresse, bondissaient en foule sous ces bosquets champêtres. Dès que l’hippogriffe est assez près de terre pour que l’on puisse sauter sans trop de danger, Roger s’enlève rapidement de l’arçon et se retrouve sur le gazon émaillé. Il serre toutefois les rênes dans sa main, car il ne veut pas que le destrier s’envole de nouveau. Il l’attache sur le rivage à un myrte verdoyant, entre un laurier et un pin. 44 La nymphe Aréthuse, poursuivie par le fleuve Alphée, fut conver- tie en fontaine, et conduite par des voies sous-marines dans l'île d’Ortigie, toujours suivie par son indiscret amant, qui l’y rejoignit. – 107 –