Au premier son de cette voix, Roger tourne les yeux et se lève subitement. Et quand il s’aperçoit qu’elle sort de l’arbre, il reste plus stupéfait que jamais. Il s’empresse d’écarter le des- trier, et, la rougeur sur les joues : « Qui que tu sois – dit-il – pardonne-moi, esprit humain ou déesse des bocages. » Je ne savais pas que, sous ta rude écorce, se cachait un esprit humain ; c’est pourquoi j’ai laissé endommager ton beau feuillage et insulter à ton myrte vivace. Mais ne tarde pas à m’apprendre qui tu es, toi qui, en un corps grossier et rugueux, vis et parles comme un animal doué de raison. Que de l’orage le ciel te préserve toujours ! » Et si, maintenant ou jamais, je puis réparer par quelque service le mal que je viens de te causer, je te promets, par la belle dame qui possède la meilleure part de moi-même, de faire de telle sorte, par mes paroles et par mes actes, que tu aies une juste raison de te louer de moi. » À peine Roger eut-il fini de parler, que le myrte trembla de la tête au pied. Puis on vit son écorce se couvrir de sueur, comme le bois fraîchement tiré de la forêt, qui sent la violence du feu après lui avoir en vain fait toute sorte de résistance. Et il commença : « Ta courtoisie me force à te découvrir en même temps qui j’ai d’abord été, et ce qui m’a changé en myrte sur cette charmante plage. » Mon nom fut Astolphe, et j’étais un paladin de France très redouté dans les combats. J’étais cousin de Roland et de Renaud45, dont la renommée n’a pas de bornes. Je devais, après mon père Othon, régner sur toute l’Angleterre. J’étais si beau et 45 Suivant les romans de chevalerie, Bernard de Clairval eut trois fils : Aymon, père de Renaud, Beuves d'Aigremont, père d’Aldigier, de Maugis et de Vivian, personnages dont il sera parlé plus loin, et Othon, roi d'Angleterre, père d'Astolphe. – 109 –