de Logistilla. Il était en tout cas fermement résolu à user de tout moyen pour qu’Alcine ne prît pas empire sur lui. Il pensa à remonter sur son cheval et à l’éperonner pour une nouvelle course à travers les airs, mais il craignit de tomber dans un danger pire, car le coursier obéissait trop mal au mors. « Je passerai par force, si je ne me trompe, » – disait-il, à part lui. Mais son espérance fut vaine. Il n’était pas éloigné de plus de deux milles du rivage, qu’il aperçut la belle cité d’Alcine. On voit de loin une grande muraille qui tourne tout autour et enserre un grand espace. Sa hauteur est telle, qu’elle paraît se confondre avec le ciel, et elle semble être en or, du pied au faîte. Quelqu’un de mes lecteurs se séparera peut-être ici de moi et prétendra que c’était l’œuvre de l’alchimie. Peut-être fait-il er- reur, peut-être voit-il plus juste que moi ; en tout cas, elle me paraît être d’or, tellement elle resplendit. Dès qu’il fut près de la riche muraille, dont il n’est pas de pareille au monde, le courageux chevalier laissa la route qui, à travers la plaine, s’en allait large et droite vers les grandes por- tes, et prit à main droite celle beaucoup plus sûre, qui commen- çait déjà à monter. Mais soudain il se trouve au milieu de la troupe hideuse dont la fureur cherche à l’égarer et lui barre le passage. Jamais on n’a vu plus étrange ramassis de monstrueux vi- sages et de gens difformes. Les uns ont la forme humaine depuis le cou jusqu’aux pieds, avec des figures de singe ou de chat. Les autres laissent sur le sol les empreintes de pieds de bouc. D’autres sont des centaures agiles et pleins d’adresse. Les jeunes ont un air d’impudence, les vieux paraissent idiots ; ceux-ci sont nus, ceux-là couverts de peaux de bêtes étranges. Celui-ci galope sur un destrier sans frein ; celui-là va len- tement, monté sur un âne ou sur un bœuf. Cet autre grimpe sur – 115 –