S’il se fût avisé de découvrir l’écu qui appartint autrefois au nécromant – je veux parler de celui qui éblouissait la vue, et qu’Atlante avait laissé à l’arçon – il aurait eu d’un seul coup rai- son de cette foule de brutes, et l’aurait fait tomber aveuglée de- vant lui. Peut-être méprisa-t-il ce moyen, ne voulant avoir re- cours qu’à son courage, et non à la fraude. Advienne que pourra, il préfère mourir plutôt que de se rendre prisonnier à une si vile engeance. Tout à coup, voici que d’une des portes dont était percé le mur que j’ai dit être d’or brillant, sortent deux jouvencelles dont le maintien et les vête- ments n’annoncent pas une humble naissance. On voit bien qu’elles n’ont pas été nourries par un berger, au milieu des pri- vations, mais parmi les délices des palais royaux. L’une et l’autre étaient montées sur une licorne plus blan- che que l’hermine ; l’une et l’autre étaient belles, et leurs vête- ments étaient si riches et si étranges à la fois, qu’au mortel qui les aurait regardées et contemplées, il aurait fallu un œil divin pour les apprécier dignement. Telle serait la Beauté, si elle pou- vait avoir un corps, et telle aussi la Grâce. L’une et l’autre s’avancèrent dans le pré où Roger était aux prises avec la foule ignoble. Toute cette tourbe disparut à leur aspect. Alors elles tendirent la main vers le chevalier qui, le vi- sage coloré de rose, les remercia de leur humanité. Et ce fut avec un vif contentement que, pour leur complaire, il retourna vers la porte d’or. L’ornementation qui court tout autour du fronton de la belle porte, et fait saillie, n’a pas une de ses parties qui ne soit couverte des pierres précieuses du levant les plus rares. Les quatre côtés reposent sur de grosses colonnes de pur diamant. Que ce diamant soit véritable, ou trompe simplement les yeux, il n’existe pas chose plus belle et plus riante. – 117 –