Chant VII ARGUMENT. – Roger, après avoir abattu une géante qui se tenait à la garde d’un pont, arrive au palais d’Alcine. Il en devient éperdument amoureux et reste dans l’île. Bradamante n’ayant au- cune nouvelle de lui, va chercher Mélisse, et lui remet l’anneau en- chanté qui doit servir à rompre les enchantements d’Alcine. Mélisse va avec cet anneau dans l’île, réveille la raison endormie de Roger qui se décide à quitter ce dangereux séjour. Celui qui s’en va loin de sa patrie voit des choses fort diffé- rentes de ce qu’il avait cru jusque-là ; et lorsqu’ensuite il les ra- conte, on ne le croit pas, et il passe pour un menteur, car le sot vulgaire ne veut ajouter foi qu’aux choses qu’il voit et touche clairement et entièrement. Aussi, je sais parfaitement que l’inexpérience fera attacher peu de croyance à ce que je chante. Qu’on m’en accorde peu ou beaucoup, je n’ai pas besoin de me creuser l’esprit pour le vulgaire sot et ignare. Je sais bien que vous ne m’accuserez pas de mensonge, vous qui avez une claire intelligence des discours, et c’est à vous seul que je désire rendre cher le fruit de mes labeurs. Je vous ai laissés au mo- ment où nos personnages aperçurent le pont et le marais qui étaient gardés par l’altière Éryphile. Celle-ci était armée du métal le plus fin, sur lequel on dis- tinguait des pierreries de toutes couleurs : le rubis vermeil, la chrysolithe jaune, l’émeraude verte et la fauve hyacinthe. En place de cheval, elle avait pour monture un loup rayé. Sur ce loup rayé, à la selle extraordinairement riche, elle traverse le fleuve. – 120 –