En dehors des portes extérieures, la belle Alcine s’avança de quelques pas au devant de Roger, et lui fit un accueil sei- gneurial, entourée de sa brillante cour d’honneur. Tous ses courtisans comblèrent le vaillant guerrier de tant d’hommages et de révérences, qu’ils n’en auraient pu faire plus, si Dieu était descendu parmi eux de sa demeure céleste. Le palais n’était pas seulement remarquable parce qu’il surpassait tous les autres en richesse, mais parce qu’il renfer- mait les gens les plus aimables et les plus avenants qui fussent au monde. Ils différaient peu les uns des autres en fleur de jeu- nesse et de beauté ; mais Alcine était plus belle qu’eux tous, de même que le soleil est plus beau que toutes les étoiles. Elle était si bien faite de sa personne, que les peintres in- dustrieux ne sauraient en imaginer de plus parfaite. Sa longue chevelure retombait en boucles, et il n’est pas d’or plus resplen- dissant et plus chatoyant. Sur sa joue délicate étaient semés les roses et les lys ; son front, d’un pur ivoire, terminait un visage admirablement proportionné. Sous deux sourcils noirs et d’un dessin plein de finesse, sont deux yeux noirs, ou plutôt deux clairs soleils, aux regards tendres, et lents à se mouvoir. Il semble qu’Amour, qui voltige se joue tout autour, vient y remplir son carquois de flèches dont il transperce les cœurs. De là, descend sur le milieu du visage un nez où l’envie ne trouverait rien à critiquer. Au-dessous, comme entre deux sillons, se dessine une bou- che où est répandu un cinabre naturel. Là, sont deux rangées de perles sur lesquelles se ferme et s’ouvre une lèvre belle et douce. C’est de là que sortent les paroles courtoises, capables d’amollir le cœur le plus rude et le plus rebelle. La, se forme ce rire suave qui ouvre à son gré le paradis sur terre. – 122 –