Au plus petit bruit qui le frappe, espérant que c’est elle, il lève la tête. Il croit l’entendre, et voyant qu’il se trompe, il sou- pire de son erreur. Parfois il sort du lit, entr’ouvre la porte et guette au dehors ; mais il ne voit rien, et maudit mille fois l’heure si lente à s’écouler. Il se dit souvent : « Maintenant elle part. » Et il commence à compter les pas qu’Alcine peut avoir à faire de sa chambre à celle où il l’attend. Ces préoccupations vaines, et bien d’autres, le tiennent en souci, jusqu’à ce que la belle dame soit arrivée. Parfois il craint que quelque obstacle ne vienne s’interposer en- tre le fruit et la main prête à le cueillir. Alcine, après s’être longuement parfumée d’odeurs pré- cieuses, voyant que le moment est venu de partir, et que dans le palais tout est tranquille, sort de sa chambre et, seule et silen- cieuse, s’en va, par un passage secret, rejoindre Roger dont le cœur est violemment combattu par la crainte et l’espoir. À peine le successeur d’Astolphe a-t-il vu apparaître cette riante étoile, qu’il ne lui semble plus possible de supporter le souffle brûlant qui coule dans ses veines. Il plonge les yeux dans ce flot de délices et de beauté ; il s’élance du lit, saisit Alcine dans ses bras, et ne peut attendre qu’elle se soit dépouillée de ses vêtements, Bien qu’elle n’ait ni robe ni panier, et qu’elle soit venue à peine couverte d’un léger manteau jeté sur une chemise blanche et fine au possible. Comme Roger la tient embrassée, le man- teau tombe, et elle reste avec le voile subtil et transparent qui, devant et derrière, laisse apercevoir les roses et les lis mieux qu’un pur cristal. Le lierre ne serre pas plus étroitement l’arbre autour du- quel il s’est enroulé, que les deux amants ne s’enlacent l’un – 125 –