Un splendide collier de riches pierreries lui descendait du cou jusque sur la poitrine ; autour de ses bras autrefois si virils s’enroulaient des bracelets brillants ; de ses deux oreilles per- cées sortait un mince fil d’or, en forme d’anneau, où étaient suspendues deux grandes perles, comme jamais n’en possédè- rent les Arabes ni les Indiens. Ses cheveux bouclés étaient humides des parfums les plus suaves et les plus précieux. Tous ses gestes respiraient l’amour, comme s’il avait été habitué dans Valence à servir les dames. Il n’y avait plus de sain en lui que le nom ; tout le reste était cor- rompu plus qu’à moitié. Ainsi fut retrouvé Roger, tant il avait été changé par enchantement. Sous les traits d’Atlante, celle qui en avait pris la ressem- blance lui apparaît avec le visage grave et vénérable que Roger avait toujours respecté ; avec ce regard plein de colère et de me- nace qu’il avait tant redouté jadis dans son enfance. Elle lui dit : « C’est donc là le fruit que je devais recueillir de mes longues peines ? » T’ai-je, pour premiers aliments, nourri de la moelle des ours et des lions ; t’ai-je, tout enfant, habitué à étrangler les ser- pents dans les cavernes et les ravins horribles, à arracher les ongles des panthères et des tigres, et à briser les dents aux san- gliers pleins de vie, pour qu’après une telle éducation tu devins- ses l’Adonis ou l’Atis d’Alcine 49 ? » Est-ce pour cela que l’observation des étoiles, les fibres sacrées consultées et entendues, les augures, les songes et tous les enchantements qui ont trop fait l’objet de mes études, m’avaient annoncé, quand tu étais encore à la mamelle, qu’arrivé à l’âge où te voilà, tu aurais accompli sous les armes de tels exploits qu’ils devaient être sans pareils ? 49 Adonis fut l'amant de Vénus, et Atis l'amant de Cybèle. – 131 –