mais il ne courut pas longtemps sans rencontrer un des servi- teurs de la fée. Ce serviteur avait au poing un gerfaut qu’il s’amusait à faire voler chaque jour, tantôt dans la plaine, tantôt sur un étang voi- sin, où il trouvait toujours une proie facile. Il avait pour compa- gnon son chien fidèle, et chevauchait un roussin assez mal équi- pé. Il pensa bien que Roger s’enfuyait, quand il le vit venir en si grande hâte : Il se porta à sa rencontre, et, d’un ton hautain, lui demanda pourquoi il s’en allait si précipitamment. Le bon Roger ne vou- lut pas lui répondre. C’est pourquoi, de plus en plus certain qu’il s’enfuyait, le chasseur résolut de l’arrêter. Étendant le bras gau- che, il dit : « Que dirais-tu, si je t’arrêtais subitement, et si contre cet oiseau tu ne pouvais te défendre ? » Il lance son oiseau, et celui-ci bat si rapidement des ailes, que Rabican ne peut le devancer. Le chasseur saute à bas de son palefroi, en lui enlevant du même coup le mors, et le cheval part comme la flèche chassée de l’arc, mordant et lançant des ruades formidables. Le serviteur se met à courir après lui, aussi rapide que s’il était porté par le vent et la foudre. Le chien ne veut pas paraître en retard ; il suit Rabican avec l’impétuosité du léopard qui poursuit un lièvre. Roger a honte de ne pas les attendre ; il se retourne vers celui qui arrive d’un pied si hardi, et, ne lui voyant d’autre arme qu’une ba- guette avec laquelle il dresse son chien à obéir, il dédaigne de tirer son épée. Le chasseur s’approche et le frappe vigoureusement ; en même temps le chien le mord au pied gauche. Le destrier débri- dé secoue trois ou quatre fois sa croupe, et rue sur son flanc droit. L’oiseau tourbillonne, décrit mille cercles et le déchire – 138 –