vant et l’apaisa d’un signe, est maintenant si délaissée, qu’elle n’a personne qui puisse l’aider même d’une parole. La belle dame, plongée dans un profond sommeil, fut en- chaînée avant qu’elle se fût réveillée. On la porta, ainsi que l’ermite enchanteur, dans la fuste remplie d’une troupe affligée et chagrine. La voile, déployée au haut du mât, ramena le navire à l’île funeste où l’on enferma la dame dans une dure prison, jusqu’au jour où le sort l’aurait désignée. Mais elle était si belle, qu’elle émut de pitié ce peuple cruel. Pendant plusieurs jours ils différèrent sa mort, la réservant pour un plus pressant besoin ; et tant qu’ils purent trouver au dehors quelque autre jeune fille, ils épargnèrent cette angélique beauté. Enfin elle fut conduite au monstre, toute la population pleurant derrière elle. Qui racontera ses angoisses, ses pleurs, ses cris et les re- proches qu’elle envoie jusqu’au ciel ? Je m’étonne que le rivage ne se soit pas entr’ouvert quand elle fut placée sur la froide pierre, où, couverte de chaînes, privée de tout secours, elle at- tendait une mort affreuse, horrible. Je n’entreprendrai pas de le dire, car la douleur m’émeut tellement, qu’elle me force à tour- ner mes rimes ailleurs, Et à trouver des vers moins lugubres, jusqu’à ce que mon esprit se soit reposé. Les pâles couleuvres, le tigre aveuglé par la rage qui le consume, et tous les reptiles venimeux qui courent sur le sable brûlant des rivages de l’Atlas, n’auraient pu voir, ni s’imaginer, sans en avoir le cœur attendri, Angélique liée à l’écueil nu. Oh ! si son Roland l’avait su, lui qui était allé à Paris pour la retrouver ! S’ils l’avaient su, les deux chevaliers que trompa le rusé vieillard, grâce au messager venu des rives infernales ! À travers mille morts, pour lui porter secours, ils auraient cherché – 150 –