ses traces angéliques. Mais que feraient-ils, même s’ils le sa- vaient, étant si loin ! Cependant Paris, assiégé par le fameux fils du roi Trojan, était arrivé à une extrémité si grande, qu’un jour il faillit tomber aux mains de l’ennemi. Et si le ciel, touché par les prières des assiégés, n’avait pas inondé la plaine d’une pluie épaisse, le saint Empire et le grand nom de France succombaient ce jour-là sous la lance africaine. Le souverain Créateur abaissa ses regards à la juste plainte du vieux Charles, et, par une pluie soudaine, il éteignit l’incendie qu’aucune force humaine n’aurait pu, ni su conjurer sans doute. Sage est celui qui se tourne toujours vers Dieu, car personne ne peut mieux lui venir en aide. Le pieux roi vit bien qu’il devait son salut à l’assistance divine. La nuit, Roland confie à sa couche solitaire ses tumultueu- ses pensées. Il les porte tantôt ici, tantôt là, ou bien il les ras- semble sur un seul point, sans pouvoir les fixer jamais. Ainsi la lumière tremblante de l’eau claire frappée par le soleil ou les rayons de la lune, court le long des toits avec un continuel scin- tillement, à droite, à gauche, en bas, en haut. Sa dame qui lui revient à l’esprit – elle n’en était à vrai dire jamais sortie – lui rallume dans le cœur, et rend plus ardente la flamme qui, pendant le jour, semble assoupie. Elle était venue avec lui des confins du Cathay jusqu’en Occident, et là, il l’avait perdue, et il n’avait plus retrouvé trace d’elle, depuis la défaite de Charles à Bordeaux. De cela, Roland avait grande douleur ; il se rappelait en vain à lui-même sa propre faiblesse : « Ô mon cœur – disait-il – comme je me suis conduit lâchement à ton égard ! Hélas ! com- bien il m’est cruel de penser que, pouvant t’avoir près de moi nuit et jour, puisque ta bonté ne me refusait pas cette faveur, je – 151 –