et de damoiselles. Mais, si la pitié trouve en vous asile, si vous n’êtes pas entièrement rebelle à l’amour, ayez pour agréable de faire partie de ceux qui vont combattre pour une si juste cause. » Roland attend à peine d’avoir tout entendu, et, en homme qui ne peut souffrir un acte inique et barbare, ni en entendre parler sans que cela lui pèse, il jure d’être le premier à cette en- treprise. Quelque chose lui fait penser, lui fait craindre, que ces gens ne se soient emparés d’Angélique, puisqu’il l’a cherchée par tant d’endroits sans pouvoir retrouver sa trace. Cette pensée le trouble et lui fait abandonner son premier projet. Il se décide à s’embarquer le plus vite possible pour cette île inique. Avant que le soleil ne se soit plongé dans la mer, il trouve près de Saint-Malo un navire sur lequel il monte ; puis, ayant fait déployer les voiles, il dépasse le Mont-Saint-Michel pendant la nuit. Il laisse Saint-Brieuc et Landriglier 54 à main gauche, et s’en va côtoyant les grandes falaises bretonnes. Puis, il se dirige droit sur les côtes blanches d’où l’Angleterre a pris le nom d’Albion. Mais le vent, qui était d’abord au midi, vient à man- quer, et se met à souffler du ponant et du nord avec une telle force, qu’il faut abaisser toutes les voiles et tourner la poupe. Tout le chemin qu’avait fait le navire en quatre jours, on le refait en arrière en un seul. L’habile pilote tient la haute mer et n’approche pas de terre, où son bâtiment se briserait comme un verre fragile. Le vent, après avoir soufflé en fureur pendant qua- tre jours, s’apaisa le cinquième et laissa le navire entrer paisi- blement dans l’embouchure du fleuve d’Anvers. 54 Par Landriglier, Arioste entend la petite ville de Tréguier, le Tri- cosium des anciens. – 159 –