saient en lui m’inspirèrent un profond amour, et il eut peu de peine à me captiver. Je croyais et je crois, et je pense ne point me tromper, qu’il m’aimait et qu’il m’aime encore d’un cœur sincère. » Pendant les jours qu’il fut retenu chez nous par les vents contraires – contraires aux autres, mais à moi propices, car s’ils furent au nombre de quarante pour tout le monde, ils me paru- rent à moi durer un moment, tant à s’enfuir ils eurent les ailes promptes – nous eûmes ensemble de nombreux entretiens, où nous nous promîmes de nous unir solennellement en mariage, aussitôt qu’il serait de retour. » À peine Birène nous eut-il quittés – c’est le nom de mon fidèle amant – que le roi de Frise, pays qui est séparé du nôtre par la largeur du fleuve, désirant me faire épouser son fils uni- que nommé Arbant, envoya en Hollande les plus dignes sei- gneurs de son royaume, pour me demander à mon père. » Moi, qui ne pouvais pas manquer à la foi promise à mon amant, et qui n’aurais pas voulu y manquer, quand même Amour me l’eût permis, pour déjouer tous ces projets menés si vivement, et pressée de donner une réponse, je dis à mon père que, plutôt que prendre un mari en Frise, j’aimerais mieux être mise à mort. » Mon bon père, dont le seul plaisir était de faire ce qui me plaisait, ne voulut pas me tourmenter plus longtemps, et pour me consoler, et faire cesser les pleurs que je répandais, il rompit la négociation. Le superbe roi de Frise en conçut tant d’irritation et de colère, qu’il entra en Hollande, et commença la guerre qui devait mettre en terre tous ceux de mon sang. » Outre qu’il est si fort et si vigoureux que bien peu l’égalent de nos jours, il est si astucieux dans le mal, que la puis- sance, le courage et l’intelligence ne peuvent rien contre lui. Il – 161 –