Que celui qui a vu tomber du ciel le feu que Jupiter lance avec un bruit si horrible, et qui l’a vu pénétrer dans un lieu où sont renfermés le soufre et le salpêtre, alors que le ciel et la terre semblent en feu, que les murs éclatent et que les marbres pe- sants et les rochers volent jusqu’aux étoiles, Se représente le paladin après qu’il se fut relevé de terre. Il se redresse avec un air si terrible, si effrayant et si horrible à la fois, qu’il aurait fait trembler Mars dans les cieux. Le roi frison, saisi d’épouvante, tourne bride en arrière pour fuir. Mais Ro- land l’atteint plus vite qu’une flèche n’est chassée de l’arc. Et ce qu’il n’avait pas pu faire auparavant à cheval, il le fera à pied. Il le suit si rapidement, que celui qui ne l’a pas vu ne voudrait point le croire. Il le rejoint après un court chemin ; il lève l’épée au-dessus du casque et lui assène un tel coup, qu’il lui fend la tête jusqu’au col, et l’envoie rendre à terre le dernier soupir. Soudain voici que de l’intérieur de la cité s’élève une nou- velle rumeur, un nouveau bruit d’armes. C’est le cousin de Bi- rène, qui, à la tête des gens qu’il avait amenés de son pays, voyant la porte grande ouverte, a pénétré jusqu’au cœur de la ville encore sous le coup de l’épouvante où l’avait plongée le pa- ladin, et qui la parcourt sans trouver de résistance. La population fuit en déroute, sans s’informer de ce que sont ces nouveaux venus, ni de ce qu’ils veulent. Mais, quand on s’est aperçu à leurs vêtements et à leur langage que ce sont des Zélandais, on demande la paix et on arbore le drapeau blanc, et l’on informe celui qui les commande qu’on veut l’aider contre les Frisons qui retiennent son duc prisonnier. Car la population avait toujours été hostile au roi de Frise et à ses compagnons, non seulement parce qu’il avait fait périr leur ancien seigneur, mais surtout parce qu’il était injuste, impi- – 172 –