pitamment, tant l’amour lui donnait de la force, et elle vit de loin s’enfuir les voiles gonflées de son perfide seigneur. Longtemps elle les vit ou crut les voir, car l’air n’était pas encore bien clair. Toute tremblante, elle se laissa tomber, le vi- sage plus blanc et plus froid que la neige. Mais quand elle eut la force de se relever, elle poussa de grands cris du côté de la route suivie par les navires, elle appela, aussi fort qu’elle put, répétant à plusieurs reprises le nom de son cruel époux. Et ses pleurs et ses mains agitées en l’air suppléaient à ce que ne pouvait faire sa faible voix : « Où fuis-tu si vite, cruel ! ton vaisseau n’a pas tout son chargement. Permets qu’il me re- çoive aussi ; cela ne peut lui peser beaucoup d’emporter mon corps, puisqu’il emporte mon âme ! » Et avec ses bras, avec ses vêtements, elle fait des signaux pour que le navire retourne. Mais les vents, qui emportaient sur la haute mer les voiles du jeune infidèle, emportaient aussi les prières et les reproches de la malheureuse Olympie, et ses cris et ses pleurs. Trois fois, odieuse à elle-même, elle s’approcha du rivage pour se précipi- ter dans les flots ; enfin, détournant ses regards, elle retourna à l’endroit où elle avait passé la nuit. Et la face cachée sur son lit qu’elle baignait de pleurs, elle lui disait : « Hier soir tu nous as reçus tous deux ; pourquoi ne sommes-nous pas deux à nous lever aujourd’hui ? Ô perfide Bi- rène ! ô jour maudit où j’ai été mise au monde ! Que dois-je faire, que puis-je faire seule ici ? Qui m’aidera, hélas ! qui me consolera ! » Je ne vois pas un homme ici, je ne vois même rien qui puisse me donner à croire qu’il y existe un homme ; je n’aperçois pas un navire sur lequel, me réfugiant, je puisse espé- rer m’échapper et retrouver mon chemin. Je mourrai de misère, et personne ne me fermera les yeux et ne creusera ma sépulture, – 181 –