Dès qu’elles eurent aperçu Roger qui s’en allait tout droit sur le sable mouvant, la soif aux lèvres et le visage couvert de sueur, elles commencèrent à lui dire qu’il n’avait pas le cœur si déterminé à poursuivre son chemin, pour ne point s’arrêter à l’ombre douce et fraîche, et refuser de reposer son corps fatigué. Et l’une d’elles s’approche du cheval pour en prendre la bride, afin qu’il puisse descendre ; l’autre, lui offrant une coupe de cristal pleine d’un vin pétillant, redouble sa soif. Mais Roger à ce son n’entra pas en danse, car tout retard de sa part aurait donné le temps d’arriver à Alcine qui venait derrière lui, et qui déjà était proche. Le fin salpêtre et le soufre pur, touchés du feu, ne s’enflamment pas si subitement ; la mer n’est pas si prompte à se soulever, quand la trombe obscure descend et s’abat en plein sur elle, comme la troisième le fut à éclater de colère et de fu- reur, en voyant que Roger suivait imperturbablement son droit chemin sur le sable et les méprisait, bien qu’elles se tinssent pour belles. « Tu n’es ni noble ni chevalier – dit-elle en criant aussi fort qu’elle put – et tu as volé tes armes ainsi que ce destrier qui ne te serait pas venu d’autre façon. Aussi, comme ce que je dis est vrai, je voudrais te voir punir d’une juste mort, et que tu fusses mis en quartiers, brûlé, ou pendu, voleur brutal, manant, arro- gant, ingrat ! » À toutes ces injures et à beaucoup d’autres paroles du même genre que lui adressa la dame courroucée, Roger ne fit aucune réponse, car il espérait peu d’honneur d’une si basse querelle. Alors la dame monta vivement avec ses sœurs, sur le bateau qui se tenait à leur disposition, et faisant force de rames, elles le suivirent dans sa marche le long de la rive. – 184 –