Quand il vit la mer se couvrir de nombreux navires qui se dirigeaient tous de son côté. Avec ces navires, s’en venait Alcine outragée, à la tête de ses gens rassemblés par elle en toute hâte, pour reconquérir son cher bien qui lui avait été enlevé, ou per- dre son trône et sa propre vie. C’est aussi bien l’amour qui la pousse, que l’injure qu’elle a reçue. Depuis sa naissance, elle n’a pas éprouvé un ressentiment plus grand que celui qui maintenant la ronge. C’est pourquoi elle fait tellement presser de rames, que l’écume de l’eau se ré- pand d’une proue à l’autre. La mer et le rivage retentissent de cette grande rumeur, et l’on entend Écho résonner de toutes parts. « Découvre l’écu, Roger, car il en est besoin ; sinon, tu es mort, ou pris honteusement. » Ainsi dit le nocher de Logistilla, et ajoutant le geste à la pa- role, il saisit lui-même le voile et l’enlève de dessus l’écu dont il démasque la lumière éclatante. La splendeur enchantée qui s’en échappe blesse tellement les yeux des ennemis, qu’elle les rend soudain aveugles et les fait tomber, qui à la poupe, qui à la proue. Un des gens de Logistilla, en vedette au sommet du châ- teau, s’étant, sur ces entrefaites, aperçu de l’arrivée de la flotte d’Alcine, sonne la cloche d’alarme, et de prompts secours arri- vent au port. Les balistes, comme une tempête, foudroient tout ce qui veut s’attaquer à Roger. Ainsi, grâce à l’aide qui lui vint de tous côtés, il sauva sa liberté et sa vie. Sur le rivage sont venues quatre dames, envoyées en toute hâte par Logistilla : la valeureuse Andronique, la sage Fronesia, la pudique Dicilla et Sophrosine la chaste, plus que les trois au- tres ardente et résolue à agir. Une armée qui n’a pas sa pareille au monde sort du château, et se répand sur le bord de la mer. – 186 –