le dos à la mer, il hâte le pas, le long de la rive aride, vers le châ- teau qui s’élève auprès. Jamais l’œil d’un mortel n’en vit, avant ni après, de plus fort ni de plus beau. Ses murs ont plus de prix que s’ils étaient de diamant ou de rubis. On ne connaît point sur terre de pierre- ries pareilles, et qui voudra en avoir une idée exacte devra né- cessairement aller dans ce pays, car je ne crois pas qu’on en trouve ailleurs, sinon peut-être au ciel. Ce qui fait qu’elles effacent toutes les autres, c’est qu’en s’y mirant, l’homme s’y voit jusqu’au plus profond de l’âme. Il voit si clairement ses vices et ses vertus, qu’il ne saurait plus croire ensuite aux flatteries ou aux critiques injustes qui lui sont adressées. La connaissance qu’il a acquise de soi-même, en se regardant dans le limpide miroir, le rend prudent. La brillante lumière de ces pierreries, semblable au soleil, répand tout autour tant de splendeur, qu’elle peut faire le jour en dépit de Phébus. Et ce ne sont pas les pierres seules qui sont admirables, mais la matière et l’art se sont tellement confondus, qu’on ne saurait dire auquel des deux il faut donner la préfé- rence. Sur des arches si élevées, qu’à les voir on dirait qu’elles ser- vent de support au ciel, étaient des jardins si spacieux et si beaux, qu’il serait difficile d’en avoir de pareils à ras de terre. Au pied des lumineux créneaux se peuvent voir les arbustes odori- férants, ornés, été comme hiver, de fleurs brillantes et de fruits mûrs. Il ne saurait pousser d’arbres si beaux hors de ces merveil- leux jardins, pas plus que de telles roses, de telles violettes, de tels lis, de telles amarantes ou de tels jasmins. Ailleurs, le même jour voit naître, vivre et s’incliner morte sur sa tige dépouillée, la fleur sujette aux variations du ciel. – 188 –