vers la dame, il reconnut, bien que de loin, l’angélique sem- blance et le beau visage qui, dans leurs rets amoureux, le te- naient enlacé. La dame tourne en arrière le palefroi, et, à travers la forêt, le chasse à toute bride. Par les clairières ou les taillis touffus, elle ne cherche pas la plus sûre et la meilleure voie ; mais pâle, tremblante et hors d’elle-même, elle laisse au destrier le soin de choisir sa route. En haut, en bas, dans la forêt profonde et sau- vage, elle tourne jusqu’à ce qu’elle arrive à une rivière. Au bord de la rivière se trouvait Ferragus 23, plein de sueur et tout poudreux. Hors de la bataille, l’avait poussé un grand désir de boire et de se reposer. Puis, malgré lui, il s’était arrêté là, parce qu’avide et pressé de goûter à l’eau, il avait laissé tom- ber son casque dans le fleuve et n’avait pas encore pu le ravoir. Aussi fort qu’elle pouvait, la donzelle épouvantée s’en ve- nait criant. À cette voix le Sarrasin saute sur la rive et la regarde au visage ; et aussitôt qu’elle arrive il la reconnaît, bien que pâle et troublée de crainte, et que depuis de longs jours il n’en eût pas eu de nouvelles, pour être sans doute la belle Angélique. Et comme il était courtois, et qu’il n’en avait peut-être pas moins le cœur allumé que les deux cousins, il lui donna toute l’aide qu’il pouvait. Aussi courageux et hardi que s’il eût eu son casque, il tira l’épée, et, menaçant, courut sur Renaud qui l’attendait sans peur. Plusieurs fois déjà, ils s’étaient non pas seulement vus, mais reconnus à l’épreuve de leurs armes. Là, ils commencèrent une cruelle bataille, à pied comme ils étaient, avec leurs glaives nus. Non seulement les plaques et les 23 Ferragus était fils de Marsile, Boïardo en parle, dans le XXXIe chant du livre Ier, comme étant un des plus redoutables guerriers d'Espa- gne. – 21 –