Elle aurait voulu volontiers avoir pour escorte Roland ou Sacripant, non pas que l’un lui fût plus cher que l’autre, car elle s’était toujours montrée rebelle à leurs désirs ; mais devant, pour regagner le Levant, passer par tant de villes, de châteaux, elle avait besoin d’un guide, d’une escorte, et elle ne pouvait avoir en d’autres une plus grande confiance. Elle les chercha longtemps l’un et l’autre, sans en découvrir la moindre trace, tantôt dans les cités, tantôt dans les villas, dans les forêts profondes et sur tous les chemins. Enfin la for- tune la pousse vers le palais où Atlante avait réuni dans un étrange enchantement le comte Roland, Ferragus, Sacripant, Roger, Gradasse et tant d’autres ; Elle y entre, car le magicien ne peut la voir. Elle cherche partout, invisible grâce à son anneau. Elle trouve Roland et Sa- cripant qui la cherchent vainement dans cette demeure. Elle voit comment, en leur présentant son image, Atlante les trompe l’un et l’autre. Pendant longtemps, elle se demande lequel des deux elle doit prendre pour compagnon, et elle ne sait à quoi se résoudre. Elle ne sait pas lequel des deux il lui vaudrait le mieux avoir avec elle, du comte Roland ou du fier roi de Circassie. Ro- land pourra la défendre plus vaillamment et plus efficacement dans les moments périlleux ; mais si elle en fait son guide, elle risque d’en faire son maître, car elle ne voit pas comment elle pourrait s’en faire constamment obéir, ou même le renvoyer en France quand elle n’aura plus besoin de lui. Quant au Circassien, elle pourra le renvoyer quand il lui plaira, l’eût-elle déjà fait monter au ciel. Cette seule raison la décide à le prendre pour escorte, à se fier à sa foi et à son zèle. Elle ôte l’anneau de sa bouche, et montre son visage sans voile aux regards de Sacripant. Elle croit s’être montrée à lui seul, mais soudain Roland et Ferragus surviennent. – 223 –