Surviennent Roland et Ferragus. L’un et l’autre rôdaient en haut, en bas, au dedans et au dehors, cherchant dans l’immense palais celle qui était leur divinité. Ils coururent tous à la dame, car aucun enchantement ne les retenait plus, l’anneau qu’elle avait à sa main rendant vaines toutes les inventions d’Atlante. Deux des guerriers que je chante avaient la cuirasse au dos et le casque en tête. Depuis qu’ils étaient entrés dans cette de- meure, ils ne les avaient quittés ni le jour ni la nuit, car l’habitude qu’ils en avaient les leur rendait aussi faciles à porter que de simples vêtements. Le troisième, Ferragus, était aussi armé, mais il n’avait pas de casque et ne voulait pas en avoir, Jusqu’à ce qu’il eût celui que le paladin Roland avait enlevé au frère du roi Trojan. Il l’avait juré lorsqu’il avait en vain cher- ché dans la rivière le casque fin de l’Argail. Bien qu’il ait eu Ro- land pour voisin dans ce palais, Ferragus n’en est pas venu aux mains avec lui, car ils ne se pouvaient reconnaître entre eux, tant qu’ils seraient dans cette enceinte. Cette demeure était enchantée de telle sorte qu’ils ne pou- vaient se reconnaître entre eux. Ni le jour ni la nuit, ils ne quit- taient l’épée, le haubert ou l’écu. Leurs chevaux, la selle sur le dos, le mors suspendu à l’arçon, mangeaient dans une écurie, située près de l’entrée, et constamment fournie d’orge et de paille. Atlante ne saurait et ne pourrait empêcher les guerriers de remonter en selle pour courir derrière les joues vermeilles, les cheveux d’or et les beaux yeux noirs de la donzelle qui fuit sur sa jument qu’elle talonne. Elle voit avec déplaisir les trois amants réunis, car elle les aurait peut-être choisis l’un après l’autre. Quand elle les eut assez éloignés du palais pour ne plus craindre que l’enchanteur maudit pût exercer sur eux son pou- – 224 –