» Car, les grandes fêtes terminées, mon Zerbin retourna en Écosse. Si tu sais ce que c’est que l’amour, tu peux juger com- bien je fus triste, pensant à lui nuit et jour. Et j’étais certaine que sa flamme ne brûlait pas moins vive dans son cœur. Il n’avait d’autre désir que de trouver un moyen pour m’avoir près de lui. » Et comme nos croyances opposées – il était chrétien et moi musulmane – ne lui permettaient pas de me demander pour femme à mon père, il se décida à m’enlever secrètement. Sur les confins de ma riche patrie aux campagnes verdoyantes longeant l’Océan, était un beau jardin, sur une rive d’où l’on dé- couvrait toutes les collines environnantes et la mer. » Ce lieu lui parut propice à l’enlèvement auquel le forçait à recourir la diversité de nos religions. Il me fit savoir les mesures qu’il avait prises pour assurer le bonheur de notre vie. Il avait fait cacher près de Sainte-Marthe une galère montée par des gens armés, sous la conduite d’Orderic de Biscaye, maître de bataille sur mer et sur terre. » Ne pouvant en personne exécuter cette entreprise, parce qu’en ce moment son vieux père l’avait envoyé porter secours au roi de France assiégé, il avait envoyé à sa place Orderic, qu’il tenait pour le plus fidèle et le plus dévoué de ses meilleurs amis. Cela devrait être en effet, si les bienfaits suffisaient toujours pour se créer des amis. » Celui-ci était venu sur un navire armé et à l’époque convenue. Et c’est ainsi qu’arriva le jour tant désiré où je devais me laisser surprendre dans mon jardin. Orderic, accompagné d’une troupe de gens habitués aux coups de main maritimes, remonta pendant la nuit le fleuve voisin de la ville, et vint en silence jusqu’à mon jardin. – 240 –