gnons et dit : « Voici un nouvel oiseau, auquel je n’ai pas tendu de filet et que j’y trouve tout pris. » Puis il dit au comte : « Jamais je n’ai vu d’homme plus complaisant et plus opportun que toi. Je ne sais si tu as deviné ou si tu as entendu dire à quelqu’un que je désirais beaucoup posséder de si belles armes, des vêtements bruns aussi agréa- bles. Tu es vraiment venu à propos pour satisfaire mes be- soins. » Roland, remis sur pied, sourit d’un air railleur et répondit au brigand : « Je te vendrai les armes à un prix qui ne trouve pas communément de marchand. » Et tirant du foyer, qui était près de lui, un tison enflammé et tout fumant, il en frappa le malandrin à l’endroit où les sourcils touchent au nez. Le tison atteignit les deux paupières et causa un tel dom- mage à celle de gauche, qu’il creva au misérable le seul œil avec lequel il pouvait voir encore la lumière. Le coup prodigieux ne se contenta pas de l’aveugler ; il l’envoya rejoindre les esprits que Chiron, avec ses compagnons, garde dans des marais de poix bouillante. Il y avait dans la caverne une grande table, épaisse de deux palmes et de forme carrée. Posée sur un pied grossier et mal poli, elle servait au voleur et à toute sa bande. Avec la même agilité que l’on voit l’adroit Espagnol66 jeter et rattraper son fusil, Roland lance la table pesante à l’endroit où se tenait grou- pée toute cette canaille. Il rompt à l’un la poitrine, à l’autre le ventre, à celui-ci la tête, à celui-là les jambes, à un autre les bras. Les uns sont tués 66 Espagnol est ici pour Sarrasin, qui lui-même est synonyme d'Arabe. On sait que dans leurs fantasias les Arabes lancent et rattrapent leur fusil avec une grande dextérité. – 245 –