Et je retourne à la jeune fille qui supplie le paladin de ne pas la laisser seule, et lui demande à le suivre en tous lieux. Ro- land la rassure d’un air courtois. Puis, dès que la blanche Au- rore, parée de sa guirlande de roses et de son voile de pourpre, eut repris son chemin accoutumé, le paladin partit avec Isabelle. Sans trouver aucune aventure digne d’être contée, ils mar- chèrent plusieurs jours ensemble. Enfin ils rencontrèrent sur leur chemin un chevalier qu’on emmenait prisonnier. Je vous dirai par la suite qui il était, car, pour le moment, je suis dé- tourné de ma route par quelqu’un dont il ne vous sera pas moins cher d’entendre parler ; j’entends la fille d’Aymon, que j’ai laissée tantôt languissante d’amoureux chagrins. La belle dame, attendant en vain le retour de Roger, était à Marseille, où elle harcelait presque chaque jour les bandes païennes qui parcouraient, en pillant monts et plaines, le Lan- guedoc et la Provence. Elle s’y conduisait en chef habile et en vaillant guerrier. Elle attendait là, et l’époque marquée pour le retour de Ro- ger étant dépassée de beaucoup, elle vivait, ne le voyant pas re- venir, dans la crainte de mille accidents. Un jour qu’elle pleurait seule à l’écart en songeant à cela, elle vit arriver celle qui avait jadis, au moyen de l’anneau, guéri le cœur de Roger des enchan- tements d’Alcine. Comme elle la voit après une si longue absence revenir sans son amant, Bradamante devient pâle comme la mort, et tremble tellement qu’elle ne peut se tenir debout. Mais la bonne magicienne vient à elle en souriant, dès qu’elle s’est aperçue de sa crainte, et la rassure avec l’air joyeux que prend d’habitude celui qui apporte une bonne nouvelle. – 247 –