» Il te semblera dur, je le reconnais, de tuer quelqu’un qui ressemble à Roger ; mais n’ajoute point foi à tes yeux auxquels l’enchanteur cachera la vérité. Prends une ferme résolution, avant que je te conduise dans le bois, afin de n’en pas changer ensuite, car tu resteras pour toujours séparée de Roger, si, par faiblesse, tu laisses la vie au magicien. » La vaillante jouvencelle, bien décidée à tuer cet artisan de fraudes, est prompte à revêtir ses armes et à suivre Mélisse, car elle sait combien elle lui est dévouée. Celle-ci, tantôt à travers les champs cultivés, tantôt à travers la forêt, la conduit rapide- ment à grandes journées, cherchant par ses paroles réconfortan- tes à lui alléger l’ennui de la route. En dehors des beaux raisonnements qu’elle lui tenait, elle lui rappelait surtout et le plus souvent possible les glorieux princes et les demi-dieux qui devaient descendre d’elle et de Roger. Comme Mélisse connaissait tous les secrets des dieux éternels, elle savait prédire toutes les choses qui devaient arriver dans la suite des siècles. « Ah ! ma prudente conductrice – disait à la magicienne l’illustre damoiselle – tu m’as fait connaître ma belle descen- dance masculine pendant de nombreuses années ; dis-moi, de même, si, de ma race, il existera quelque dame digne d’être mise au nombre des femmes belles et vertueuses. » Et la complai- sante magicienne lui répondit : « Je vois sortir de toi les dames pudiques, mères d’empereurs et de rois puissants ; réparatrices et soutiens soli- des de familles illustres et de vastes domaines, et non moins remarquables sous leur robe, par leurs précieuses qualités, leur piété, leur grand cœur, leur sagesse, leur souveraine et incom- parable continence, que les chevaliers sous leurs armures. – 249 –