» Je ne puis me taire sur l’illustre reine de l’antique maison d’Aragon dont je ne vois pas l’égale, pour la chasteté et la sa- gesse, dans l’histoire grecque ou latine. Je n’en connais pas non plus à qui la fortune se soit montrée plus amie, puisqu’elle sera choisie par la Bonté divine pour être la mère de cette belle race : Alphonse, Hippolyte et Isabelle. » Ce sera la sage Éléonore qui viendra se greffer sur ton ar- bre fortuné. Que te dirai-je de sa seconde belle-fille qui doit lui succéder peu après, Lucrèce Borgia, dont la beauté, la vertu, le renom de chasteté 67 et la fortune, croîtront d’heure en heure, comme la jeune plante dans un terrain fertile ? » Comme l’étain est à l’argent, le cuivre à l’or, le pavot des champs à la rose, le saule pâle au laurier toujours vert, le verre peint à la pierre précieuse, ainsi, comparées à celle que j’honore avant qu’elle soit née, seront les plus estimées pour leur sagesse et leurs autres vertus. » Et par-dessus tous les grands éloges qui lui seront don- nés pendant sa vie et après sa mort, on la louera d’avoir in- culqué de nobles sentiments à Hercule et à ses autres fils, qui, par la suite, s’illustreront sous la toge et dans les armes, car le parfum qu’on verse dans un vase neuf ne s’en va point si facile- ment, qu’il soit bon ou mauvais. » Je ne veux pas non plus passer sous silence Renée de France, belle-fille de la précédente, et fille de Louis XII et de l’éternelle gloire de la Bretagne. Je vois réunies dans Renée tou- tes les vertus qu’ait jamais possédées une femme, depuis que le 67 Cet éloge de Lucrèce Borgia, dans la bouche d’Arioste, paraîtrait étrange, si nous ne savions combien la poésie, depuis Dante et Pétrarque, avait perdu en dignité. Elle en était réduite à mendier la faveur des prin- ces, et par conséquent à les louer jusque dans leurs vices les plus avérés. Arioste est, à cet égard, un des modèles du genre courtisanesque. – 252 –