Ils vous secondèrent avec tant d’ardeur, vous suivant de près dans ce grand péril, que vous fîtes s’écrouler le gland d’or, et rompîtes le bâton jaune et vermeil. Un laurier triomphal vous est dû pour avoir empêché le lis d’être détruit ou défloré. Une autre couronne doit encore orner votre front, pour avoir conser- vé à Rome son Fabricius. La grande Colonne du nom romain, que vous protégeâtes et sauvâtes d’une entière destruction, vous vaut plus d’honneur que si, sous votre main, était tombée toute la fière milice qui engraisse les champs de Ravenne, et toute celle qui s’enfuit, abandonnant les bannières d’Aragon, de Castille et de Navarre, après avoir éprouvé l’inutilité de ses épieux et de ses machines de guerre. Cette victoire nous causa plus d’encouragement que d’allégresse ; car notre joie fut trop troublée par la mort du capi- taine français68, général en chef de l’armée, et par celle de tant de chefs illustres qui étaient passés de ce côté des froides Alpes, pour voler à la défense des États de leurs confédérés. Notre salut, notre vie furent assurés par cette victoire, cha- cun le reconnaît, car elle arrêta les progrès de la tempête que Jupiter irrité déchaînait sur nous. Mais nous ne pûmes nous en réjouir, ni nous livrer à la moindre fête, en entendant les gémis- sements, les pleurs d’angoisses que les veuves en robes sombres répandaient par toute la France. Il faut que le roi Louis envoie, à la tête de ses troupes, de nouveaux capitaines, lesquels, pour l’honneur des fleurs de lis d’or, châtieront les pillards et les brigands qui ont pillé les moi- nes blancs, noirs ou gris, violé les épouses, les filles et les mères, et jeté à terre le Christ enfermé dans l’hostie consacrée, pour voler les ciboires d’argent. 68 Gaston de Foix, tué à la bataille de Ravenne. – 257 –