camp, se déploie une bannière qui rassemble une meilleure troupe que celle qui vient après avec le roi Sobrin, le plus pru- dent des chefs sarrasins. Ceux de Bellamarina, que conduisait primitivement Gual- ciotto, ont maintenant pour chef le roi d’Alger, Rodomont de Sarse, qui venait de ramener de nouveaux fantassins et de nou- veaux cavaliers. Pendant que le soleil se dérobait sous les nuées du grand Centaure, aux cornes horribles et cruelles, il avait été envoyé en Afrique par Agramant. Il en était revenu seulement depuis trois jours. L’armée africaine n’avait pas de guerrier plus fort et plus audacieux que celui-là. Les défenseurs de Paris le redoutaient plus que Marsile, qu’Agramant et les chevaliers qui avaient suivi ces deux princes en France. Plus qu’aucun autre, il faisait pa- rade de haïr notre Foi. Puis viennent Prusion, roi des Alvaraches, et Dardinel, roi de Zumara. Je ne sais si des hiboux ou des corneilles, ou d’autres oiseaux de mauvais augure, perchés sur les toits ou croassant sur les branches, ont prédit à ces deux guerriers leur sort funeste, mais le ciel a fixé l’heure de leur mort à tous deux dans le combat qui doit se livrer le jour suivant. Il ne restait plus à défiler que ceux de Trémisen et de Nori- cie, mais on n’apercevait pas leurs étendards, et l’on n’en avait pas de nouvelles. Agramant ne savait que dire, ni que penser de ce retard, lorsque fut enfin amené devant lui un écuyer du roi de Trémisen, qui lui raconta tout ce qui était arrivé. Il lui raconta qu’Alzirde, Manilard et la plus grande partie de leurs soldats gisaient dans la poussière : « Seigneur – lui dit- il – le vaillant chevalier qui a occis les nôtres, aurait tué toute la troupe, si j’avais tardé à m’enfuir ; et encore ai-je eu grand’peine – 261 –