ses armes ornées d’or et de pierreries d’une grande valeur, qu’il avait affaire à un chevalier éminent, lui fit cette réponse : « Nous sommes envoyés par le roi de Grenade, notre maî- tre, pour accompagner sa fille, qu’il a mariée au roi de Sarse, bien que le bruit n’en ait pas encore couru. Quand le soir sera venu, et que la cigale, qui seule se fait entendre à cette heure, se sera tue, nous conduirons la princesse à son père, au camp es- pagnol. Pour le moment, elle dort. » Mandricard, qui méprise le monde entier, veut voir si ces gens sauront bien ou mal défendre la dame qu’on leur a donnée à garder. Il dit : « D’après ce que j’ai entendu, celle-ci est belle, et je serais aise de le savoir par moi-même. Conduis-moi vers elle, ou fais-la venir ici, car je suis pressé d’aller ailleurs. » « Tu es certes un grand fou, » répondit le Grenadin ; mais il n’en dit pas davantage. Le Tartare fondit sur lui, la lance basse, et lui traversa la poitrine. La cuirasse ne put arrêter le coup, et le malheureux tomba mort. Le fils d’Agrican retire sa lance, car il n’a pas d’autre arme offensive. Il ne porte ni épée ni masse ; parce que, quand il conquit les armes ayant appartenu au troyen Hector, il se trouva que l’épée manquait. Il jura alors – et il ne jura pas en vain – que sa main ne toucherait à aucune épée avant qu’il eût enlevé celle de Roland. Roland portait Durandal, qu’Almonte eut en si grande estime, et qu’avait primitivement portée Hector. Grande est l’audace du Tartare, qui, malgré un tel désavan- tage, attaque toute cette troupe, criant : « Qui veut me barrer le passage ? » Et, la lance en arrêt, il se précipite au milieu d’eux. Les uns abaissent leur lance, les autres mettent l’épée hors du fourreau, et de toutes parts on l’assaille. Il en tue un grand nombre avant que sa lance ne se rompe. – 264 –