de son époux, et quelle terrible vengeance il en tirera ! Ah ! pourquoi n’est-il pas ici, où il fait si faute, pour arracher à celui- ci l’illustre fille du roi Stordilan, avant qu’il l’ait emmenée plus loin ? » Le Tartare, content de l’excellente proie que lui ont value sa fortune et sa vaillance, ne paraît plus aussi pressé qu’avant de retrouver le chevalier à l’armure noire. Naguère il s’en allait, courant ; maintenant, il va tranquillement, lentement, et ne songe plus qu’à s’arrêter dans le premier endroit qu’il trouvera propice à assouvir sa flamme amoureuse. Entre temps, il rassure Doralice, dont le visage et les yeux sont baignés de pleurs. Il invente une foule de choses ; il lui dit que depuis longtemps il a entendu parler d’elle, et que s’il a quitté sa patrie et son royaume où il était heureux et qui l’emporte sur tous les autres en renommée et en étendue, ce n’est point pour voir l’Espagne ou la France, mais pour admirer son beau visage. « Si un homme doit être aimé pour l’amour qu’il éprouve lui-même, je mérite votre amour, car je vous aime ; si c’est pour la naissance, qui est mieux né que moi ? Le puissant Agricant fut mon père. Si c’est pour la richesse, qui possède plus d’États que moi ? Je le cède en domaines à Dieu seul. Si c’est pour le courage, je crois vous avoir prouvé aujourd’hui que je suis digne d’être aimé aussi pour ma valeur. » Ces paroles, et beaucoup d’autres qu’Amour dicte à Man- dricard, vont doucement consoler le cœur de la donzelle, encore tremblante de peur. Sa crainte se dissipe peu à peu, ainsi que la douleur dont elle avait eu l’âme transpercée. Elle commence à écouter avec plus de patience et de plaisir son nouvel amant. Puis, par ses réponses de moins en moins farouches, elle se montre affable et courtoise envers lui ; parfois même elle – 267 –