consent à lever sur son visage des yeux qui ne demandent qu’à s’attendrir. Le païen, qui d’autres fois déjà a été féru des flèches d’Amour, non seulement espère, mais a la certitude que la belle dame ne sera pas toujours rebelle à ses désirs. En cette compagnie, il s’en va content et joyeux, et il voit avec satisfaction, avec plaisir, approcher l’heure où la froide nuit invite tout être animé à prendre du repos. S’apercevant que le soleil est déjà bas et à moitié caché à l’horizon, il commence à chevaucher d’un pas plus rapide, jusqu’à ce qu’enfin il entende résonner les flûtes et les chalumeaux, et qu’il voie la fumée des villas et des chaumières. C’étaient des habitations de pasteurs, meilleures et plus commodes que belles. Le gardien des troupeaux fit au chevalier et à la donzelle un accueil si courtois, qu’ils en furent enchantés. Ce n’est pas seulement dans les villes et dans les châteaux que l’on trouve des gens hospitaliers, mais souvent aussi dans les cabanes et les chaumières. Que se passa-t-il pendant la nuit entre Doralice et le fils d’Agricant ? Je ne me hasarde pas à le raconter, et je laisse cha- cun penser ce qu’il voudra. On peut croire cependant qu’ils fu- rent tout à fait d’accord, car ils se levèrent le lendemain plus allègres, et Doralice rendit grâces au pasteur qui leur avait fait les honneurs de sa maison. Errants ainsi d’un endroit à un autre, ils arrivèrent enfin sur les bords d’un fleuve qui descendait silencieusement vers la mer, et si lentement qu’on n’aurait su dire s’il coulait ou si ses eaux étaient stagnantes. Il était si clair et si limpide, que la lu- mière du jour pénétrait sans obstacle jusqu’au fond. Sur sa rive, à l’ombre fraîche et douce, ils trouvèrent deux chevaliers et une damoiselle. – 268 –