dables et les énormes têtes des ours, ainsi le féroce géant faisait parade des dépouilles de celles de ses victimes qui lui avaient résisté avec le plus de courage. Les ossements d’une infinité d’autres sont épars sur le sol, et les fossés sont remplis de sang humain. Caligorant se tient sur la porte, – c’est ainsi qu’est nommé le monstre impitoyable qui orne de cadavres le seuil de sa de- meure, comme d’autres décorent le leur avec des draperies d’or et de pourpre. – À peine s’il peut retenir sa joie dès qu’il aper- çoit le duc de loin, car il y avait deux mois passés, et le troisième s’avançait, qu’aucun chevalier n’était venu par ce chemin. Il se dirige en toute hâte vers le marais qui était couvert d’une épaisse forêt de roseaux verdoyants, comptant y tuer le paladin en l’attaquant par derrière. Il espère, en effet, le faire tomber dans le filet qu’il tenait caché dans la poussière, comme il avait déjà fait des autres voyageurs que leur mauvais destin avait amenés dans ces lieux. Dès que le paladin le voit venir, il arrête son destrier, crai- gnant qu’il ne donne du pied dans les filets dont lui avait parlé le bon vieillard. Là il a recours à son cor. Le son de celui-ci fait son effet habituel ; le géant, en l’entendant, est frappé au cœur d’une terreur telle, qu’il se met à fuir. Astolphe sonne, tout en regardant attentivement autour de lui, car il lui semble toujours que le filet s’ouvre pour le saisir. Quant au félon, il s’enfuit sans voir où il va, car il a les yeux aus- si troublés que le cœur. Sa terreur est si grande, qu’il ne recon- naît plus son chemin, et trébuche dans son propre filet qui se resserre, l’enlace tout entier et le renverse à terre. Astolphe qui voit tomber le colosse, rassuré sur son propre compte, accourt en toute hâte. Descendu de cheval, l’épée en main, il s’avance pour venger la mort de mille malheureux. Mais – 294 –