Ceux-ci lui cèdent volontiers la besogne, convaincus qu’il y perdra sa peine. L’aurore avait déjà embrasé le ciel, lorsque Or- rile descendit de sa demeure dans la plaine. Entre le duc et lui, la bataille ne tarda pas à commencer ; l’un avait une massue à la main, l’autre l’épée. Astolphe attend qu’un coup sur mille enlève la vie à son adversaire. Il lui abat tantôt le poing avec la massue, tantôt l’un et l’autre bras. Tantôt, malgré la cuirasse, il le perce d’outre en ou- tre, tantôt il le coupe par morceaux. Mais Orrile ramasse ses membres et se relève toujours sain et sauf. Astolphe avait beau le tailler en cent pièces, il le voyait se reformer en un clin d’œil. Enfin un des mille coups qu’il lui avait portés l’atteignit au- dessus des épaules, à ras du menton, et lui emporta la tête avec le casque. Aussitôt, plus prompt à descendre de cheval qu’Orrile, il prit dans sa main la chevelure sanglante, remonta lestement en selle, et la porta tout courant vers le Nil, afin qu’Orrile ne pût plus la ravoir. Celui-ci, qui ne s’était pas aperçu du fait, allait cherchant sa tête à travers la poussière ; mais dès qu’il eut compris que son adversaire l’emportait au milieu de la forêt, il courut à son des- trier, sauta dessus et se mit à sa poursuite. Il aurait voulu crier : attends ; arrête, arrête ! mais le duc lui avait ôté la bouche. Pourtant, comme il ne lui a point enlevé les talons, il se rassure et le poursuit à toute bride. Rabican, dont la vitesse est merveilleuse, le laisse bien loin derrière lui dans la campagne. Pendant ce temps, Astolphe cherche rapidement dans la cheve- lure, de la nuque aux sourcils, pour voir s’il ne reconnaîtra pas le cheveu fatal qui rend Orrile immortel. Parmi une si grande quantité de cheveux, il n’en est pas un qui se distingue des autres par sa longueur ou sa tournure parti- culière. Quel est donc celui qu’Astolphe doit arracher, pour – 300 –