sincère ; il les accompagna dans la ville, et leur fit donner des logements dans son royal palais. Il avait le gouvernement de la ville et y exerçait, au nom de Charles, un juste commandement. Le duc Astolphe lui fit don de ce grand et démesuré géant qui, pour porter des fardeaux, lui valait dix bêtes de somme, tant il était robuste. Astolphe lui donna le géant et lui laissa aussi le filet qui l’en avait rendu maî- tre. Sansonnet, en échange, donna au duc une riche et belle ceinture pour son épée, et des éperons tout en or, depuis la courroie jusqu’aux molettes. On disait qu’ils avaient jadis appar- tenu au chevalier qui délivra la damoiselle du dragon. Sanson- net les avait trouvés à Jaffa, avec beaucoup d’autres armures, quand il avait pris cette ville. S’étant confessés de leurs fautes à un monastère qui don- nait le bon exemple à toute la contrée, ils visitèrent tous les lieux témoins des mystères de la Passion du Christ, et qui, à l’éternel opprobre des chrétiens, sont maintenant usurpés par les Maures impies. Mais l’Europe en armes, est possédée de la fureur de faire la guerre partout, excepté où il l’aurait fallu. Pendant qu’ils appliquaient ainsi leurs âmes pénétrées de dévotion aux cérémonies et aux sacrements religieux, arriva de Grèce un pèlerin connu de Griffon, qui lui apporta des nouvelles graves et douloureuses, trop différentes de celles qu’il attendait, et qui lui enflammèrent tellement le cœur, qu’elles lui firent mettre les oraisons de côté. Le chevalier, pour son malheur, aimait une dame nommée Origile. Il n’y en avait pas une, entre mille, ayant visage plus beau et plus belle prestance. Mais elle était si fourbe et de na- ture si mauvaise, que vous auriez pu chercher dans toutes les – 303 –