d’entre eux qui restèrent morts montra aux autres combien leur audace était folle. Du haut des remparts les flèches tombent sur les ennemis, aussi épaisses que la grêle. Les cris des nôtres et des assaillants font trembler le ciel même. Mais il faut que Charles et qu’Agramant attendent un peu, car je veux chanter les exploits du Mars africain, de Rodomont, qui, épouvantable et terrible, court par toute la ville. Je ne sais, seigneur, si vous vous rappelez ce Sarrasin qui, miraculeusement sauvé, avait laissé ses soldats mourants et dé- vorés par la flamme avide entre le premier et le second rempart, – le plus horrible spectacle qu’on vît jamais. – J’ai dit que, d’un bond, il avait sauté dans la ville par-dessus le fossé qui l’entoure. Lorsque le Sarrasin féroce, aux armes étranges, et couvert de la peau écailleuse d’un serpent, apparut tout à coup aux en- droits où les vieillards et la population inoffensive se tenaient, prêtant l’oreille aux moindres nouvelles, un cri d’épouvante, une immense clameur, accompagnés de battements de mains déses- pérés, monta jusqu’aux étoiles. Ceux qui purent fuir s’empressèrent de se réfugier dans les temples et dans les mai- sons. Mais le robuste Sarrasin, faisant tournoyer son épée, ne le permet qu’à un petit nombre. Là il coupe une jambe par la moi- tié, ici il fait voler une tête loin du buste. Il transperce l’un de part en part, il fend l’autre depuis la tête jusqu’aux hanches ; et de tous ceux qu’il tue, qu’il frappe et qu’il chasse en foule devant lui, il n’en voit aucun le regarder en face. De même que le tigre en présence d’un troupeau sans dé- fense, dans les champs hyrcaniens ou sur les bords du Gange, ou comme le loup qui attaque les chèvres et les agneaux sur la – 309 –