montagne que soulève Typhée 73, le cruel païen poursuivait, je ne dirai pas des escadrons, je ne dirai pas des phalanges, mais une vile populace digne de mourir avant de naître. Il n’en trouve pas un, parmi tous ceux qu’il taille, qu’il transperce ou qu’il fauche, dont il puisse voir la figure. Le long de cette rue si populeuse et si garnie qui s’en va droit au pont Saint-Michel, le féroce et terrible Rodomont court, faisant tour- noyer son épée sanglante. Il frappe également le valet et le maî- tre, et n’épargne pas plus le juste que le pécheur. La religion ne protège pas le prêtre ; l’innocence ne sert de rien au petit enfant ; les femmes et les damoiselles montrent en vain leur regard doux et limpide, leurs joues tendres et vermeil- les. Le vieillard lui-même est poursuivi et frappé. Le Sarrasin déploie, en cette occasion, plus de cruauté que de valeur, car il ne considère ni le sexe, ni la condition, ni l’âge. Mais le sang humain ne suffit plus à assouvir la colère de l’impitoyable roi, du plus impitoyable des mortels. Sa rage se tourne contre les édifices ; il incendie les maisons et les temples profanés. À cette époque, presque toutes les maisons, à ce qu’on rapporte, étaient en bois, et cela peut se croire facilement, puis- que aujourd’hui même, à Paris, six sur dix le sont encore. Il semble même que le feu, quelque ardent qu’il soit, ne puisse satisfaire une si grande haine. Il saisit dans ses puissan- tes mains tout ce qui est à sa portée, et à chaque secousse un toit s’écroule. Vous pouvez croire, seigneur, que jamais vous n’avez vu à Padoue74 de bombarde assez grosse pour faire tomber au- 73 La montagne d’Ischia, île près du cap Misène, à l’entrée du golfe de Naples. 74 Allusion au siège de Padoue par les Autrichiens en 1509, auquel assistait le cardinal Hippolyte d’Este. – 310 –