tant de murs que le roi d’Alger en jette à terre d’une seule se- cousse. Si, pendant que le maudit produisait avec le fer et le feu un tel ravage à l’intérieur de la ville, Agramant avait pu la réduire au dehors, elle était complètement perdue dans cette journée. Mais il n’en eut pas le temps, attaqué qu’il fut sur ses derrières par le paladin qui ramenait les troupes d’Angleterre, sous la conduite du Silence et de l’archange. Dieu voulut qu’au moment même où Rodomont pénétrait dans la ville et y allumait un si vaste incendie, Renaud, la fleur de la maison de Clermont, arrivât sous les remparts, suivi de l’armée anglaise. Il avait jeté un pont à trois lieues au-dessus de Paris et pris, à main gauche, des chemins détournés, afin de n’être point gêné par le fleuve dans son attaque contre les bar- bares. Il avait choisi six mille archers à pied, sous la bannière il- lustre d’Odoard, et deux mille cavaliers, les plus légèrement montés, sous la conduite du vaillant Ariman, et les avait en- voyés, par les chemins qui conduisent directement aux côtes de Picardie, en leur recommandant d’entrer dans Paris par les por- tes Saint-Martin et Saint-Denis. Il fit diriger par la même route les chariots et les autres ba- gages embarrassants. Quant à lui, avec le reste de ses gens, il contourna la ville plus en amont. Il avait avec lui des bateaux et des ponts pour traverser la Seine qu’on ne peut facilement pas- ser à gué. Après que tout le monde l’eut franchie et qu’on eut rompu les ponts, il rangea en bataille les Anglais et les Écossais. Mais auparavant, Renaud ayant réuni autour de lui les ba- rons et les capitaines sur un point élevé de la rive, de façon que tous pussent le voir et l’entendre, leur dit : « Seigneurs, vous devez rendre grâces à Dieu qui vous a conduits jusqu’ici, pour – 311 –