Dès qu’on fut près de l’ennemi, chaque cavalier fit sentir en même temps l’éperon à son cheval, et en un instant fut franchie la petite distance, le faible intervalle qui existait entre l’une et l’autre armée. On ne vit jamais une plus étrange mêlée ; les É- cossais seuls frappaient, tandis que les Sarrasins se laissaient massacrer, comme s’ils eussent été conduits là seulement pour mourir. Chaque païen semblait plus froid que glace, et chaque Écossais plus ardent que flamme. Les Maures s’imaginaient que chaque chrétien devait avoir le bras de Renaud. Ce voyant, So- brin fit avancer en toute hâte ses bataillons, sans attendre d’y être invité par un héraut. Sa troupe était la meilleure de l’armée ennemie ; non seulement elle était la mieux commandée, mais la mieux armée et la plus aguerrie. Elle était composée des soldats les moins mauvais d’Afrique, bien qu’elle ne valût pas encore grand’chose. Dardi- nel suivait immédiatement avec sa division mal armée et inca- pable de se battre convenablement. Lui-même avait sur la tête un casque étincelant, et était entièrement couvert de plastrons et de cottes de mailles. La quatrième division, avec laquelle Iso- lier le suivait, était, je crois, meilleure. Cependant Trason, le brave duc de Marr, heureux de se trouver dans une telle entreprise, donne le signal à ses cavaliers, et les convie à conquérir à sa suite une gloire éclatante, dès qu’il a vu Isolier et les soldats de Navarre entrer dans la mêlée. Der- rière lui, Ariodant, qui vient d’être fait duc d’Albanie, conduit sa troupe au combat. La rumeur éclatante des trompettes sonores, des timbales et des instruments barbares, jointe au bruit continu des arcs, des frondes, des machines, des roues des chars ; les cris, les gé- missements, les lamentations dont il semble que le ciel tout en- – 316 –