Le roi de Fez exécute promptement cet ordre, car tout re- tard aurait été funeste. Pendant ce temps, le roi Agramant ras- semble le reste de ses troupes et les entraîne à la bataille. Il se dirige vers le fleuve, car il lui semble qu’en cet endroit on a be- soin de sa présence, un messager du roi Sobrin étant venu de- mander du secours. Il conduisait, réunie en une seule troupe, plus de la moitié de son armée. À la seule rumeur produite par cette masse, les Écossais sont terrifiés, et leur frayeur est telle, qu’ils n’écoutent plus la voix de l’honneur et rompent leurs rangs. Zerbin, Lurca- nio et Ariodant, restent seuls au milieu de la débâcle pour arrê- ter l’attaque furieuse des ennemis. Zerbin, qui était à pied, y eût probablement péri, si le brave Renaud ne s’en était aperçu à temps. Le paladin combattait d’un autre côté, et avait vu fuir de- vant lui plus de cent bannières. Dès que lui parvient la fâcheuse nouvelle du grand péril que courait Zerbin, démonté et aban- donné par les siens au milieu des gens de Cyrène, il fait faire volte face à son cheval, et il se dirige rapidement vers l’endroit où il aperçoit les fuyards. Il arrive à l’endroit où il voit les Écossais revenir en fuyant ; il leur crie : « Où allez-vous ? Êtes-vous donc assez lâches pour laisser le champ de bataille à une si vile canaille ? Où sont les dépouilles dont je croyais que vous deviez orner vos églises ? Quelle gloire, quels éloges pensez-vous mériter en abandonnant le fils de votre roi seul et à pied ? » Il prend des mains de son écuyer une énorme lance, et voyant non loin de là Prusion, roi d’Alfarache, il fond sur lui, lui fait vider les arçons et le jette mort sur la plaine. Il couche à terre Agricalte et Bambirague ; puis il blesse grièvement Sori- dan ; et il l’aurait occis comme les autres, si sa lance avait été plus forte. – 321 –