Il saisit Flamberge, sa lance s’étant rompue. Il en frappe Serpentin, le chevalier aux étoiles, dont les armes étaient en- chantées ; néanmoins le coup l’envoie évanoui hors de selle. C’est ainsi que Renaud fait une place belle et spacieuse autour du prince d’Écosse, ce qui permet à ce dernier de saisir au pas- sage un destrier dont la selle est vide, et d’y monter. Il était temps, et s’il avait un peu plus tardé, il n’aurait pro- bablement pas pu le faire, car Agramant, Dardinel, Sobrin et le roi Balastro arrivaient tous à la fois. Mais Zerbin, qui a pu se mettre auparavant en selle, fait tournoyer son glaive, envoyant tantôt celui-ci, tantôt celui-là porter en enfer des nouvelles des vivants. Le brave Renaud, qui s’attaquait toujours de préférence aux plus redoutables, dirige son épée contre le roi Agramant, qui lui paraît beaucoup trop vaillant et hardi – il faisait, en effet, plus de besogne à lui seul que mille autres guerriers – et se pré- cipite sur lui avec Bayard. Il le frappe et le heurte tout à la fois en plein flanc, et le renverse ainsi que son destrier. Pendant qu’en dehors des murs, la haine, la rage, la fureur poussent les deux armées à s’exterminer dans une si cruelle ba- taille, Rodomont, dans Paris, égorge la population et brûle les palais et les temples sacrés. Charles, qui combat sur un autre point, ne voit rien de cela et n’en entend point parler. Il est oc- cupé à recevoir dans la ville Odoard et Ariman avec leurs trou- pes de Bretagne. Lorsque arrive près de lui un écuyer, la pâleur au visage, et qui peut à peine tirer un souffle de sa poitrine : « Hélas ! sei- gneur, hélas ! – répète-t-il plusieurs fois, avant de pouvoir dire autre chose, – aujourd’hui l’empire romain descend dans la tombe ; le Christ a abandonné aujourd’hui son peuple ; un dé- – 322 –