ultramontains d’autres loups plus affamés 75, pour achever de nous dévorer. Les ossements sans sépulture de Trasimène, de Cannes, de Trebia, paraissent peu de chose auprès de ceux qui engraissent les rives et les champs de l’Adda, de la Mella, du Ronco et du Taro. Dieu permet que nous soyons châtiés aujourd’hui par des peuples plus coupables que nous peut-être, de nos méfaits, de nos erreurs, de nos vices multipliés à l’infini. Un temps viendra où nous irons à notre tour ravager leurs territoires, si jamais nous devenons meilleurs, et si leurs crimes en arrivent à exciter l’indignation de l’éternelle Bonté. Elles devaient sans doute avoir troublé la sérénité de Dieu, ces contrées que les Turcs et les Maures couvraient alors de viols, de meurtres, de rapines et de honte. Mais tous ces maux furent encore aggravés par la fureur de Rodomont. J’ai dit que Charles, dès qu’il eut reçu la nouvelle des ravages causés par lui, était accouru pour l’arrêter. Il voit les malheureux coupés par morceaux joncher les rues ; les palais brûlés,les temples ruinés, une grande partie de la ville détruite. Jamais on ne vit de si cruels exemples de déso- lation : « Où fuyez-vous, foule épouvantée ? N’en est-il point parmi vous qui ose contempler sa ruine, et qui ne comprenne qu’il ne vous restera plus de refuge, si vous abandonnez si lâ- chement cette cité ? » Donc, un homme seul, enfermé dans votre ville dont la ceinture de murailles l’empêche de fuir, pourra se retirer sans la moindre égratignure, après vous avoir tous tués ? » Ainsi disait Charles, qui, enflammé de colère, ne pouvait supporter une telle 75 Jules II, après la défaite de Ravenne, fit appel aux Suisses qui couvrirent de sang et de ruines les plaines de la Lombardie. – 325 –