» Il se dirige en toute hâte du côté où il voit des traces fraî- ches sur le sable, et, poussé par sa rage amoureuse, il arrive en- fin à la caverne dont je vous ai parlé et où nous attendions, dans une angoisse sans égale, le retour de l’Ogre. Au moindre bruit, il nous semblait qu’il revenait, plus affamé que jamais, pour nous dévorer. » La fortune voulut que le roi arrivât à la demeure de l’Ogre pendant que la femme de ce dernier s’y trouvait seule sans lui. Dès qu’elle le voit : “Fuis, – lui crie-t-elle – malheur à toi si l’Ogre t’attrape. – Qu’il m’attrape ou non, – répond-il, – qu’il me tue ou que je lui échappe, je n’en serai pas plus malheureux. Ce n’est point parce que je me suis trompé de chemin, mais parce que je désire mourir à côté de mon épouse, que je suis venu ici.” » Puis il lui demande des nouvelles de ceux qui ont été pris par l’Ogre sur le rivage, et avant tous les autres il s’informe de la belle Lucine, si elle est morte, ou si elle est seulement retenue captive. La femme lui parle avec humanité et le rassure. Elle lui dit que Lucine est vivante, et qu’il n’a pas à craindre de la voir mourir, car l’Ogre ne dévore jamais de femme. » “Je puis, – ajouta-t-elle, – t’en servir de preuve, ainsi que toutes celles qui sont avec moi. Jamais l’Ogre ne fait de mal ni à elles ni à moi, pourvu que nous ne cherchions pas à nous échapper de cette caverne. À celles qui tentent de fuir, il se mon- tre impitoyable, et ne les laisse plus jamais en repos. Il les en- terre toutes vives, ou bien il les enchaîne, et les expose nues au soleil sur le sable. » ”Lorsque aujourd’hui il a amené ici tes compagnons, il n’a point séparé les hommes des femmes, mais il les a tous en- fermés pêle-mêle dans cette caverne. Il reconnaîtra bien au nez la différence des sexes. Les dames n’ont point à craindre d’être – 332 –