berger invitait ses troupeaux à quitter l’humide pâturage et à rentrer au bercail. Enfin il l’aperçoit qui les pousse devant lui. » Pensez si le cœur dut lui trembler quand il entendit l’Ogre revenir, et quand il vit cette cruelle figure, répandant l’horreur, s’approcher de l’entrée de la caverne ! Mais le dé- vouement fut plus fort que la crainte. Jugez s’il feignait d’aimer, ou s’il aimait véritablement ! L’Ogre passe devant lui, soulève le rocher, ouvre la grotte, et Norandin entre, mêlé aux brebis et aux chèvres. » Le troupeau rentré, l’Ogre s’approche de nous après avoir refermé la porte. Il nous flaire tous ; enfin il en choisit deux dont la chair crue est destinée à son souper. Au souvenir de ses hideuses mâchoires, je ne puis m’empêcher encore de trembler et de sentir la sueur couler sur tous mes membres. L’Ogre parti, le roi jette la peau de bouc, et vole dans les bras de sa dame. » Au lieu de se réjouir à sa vue et de reprendre courage, Lucine en éprouve au contraire de l’ennui et du désespoir ; elle voit son époux enfermé dans un endroit où il doit trouver la mort, sans pouvoir l’empêcher de mourir elle-même. “Seigneur – lui disait-elle – dans le malheur qui m’accable, je ne ressen- tais pas une médiocre joie de ce que tu ne t’étais pas trouvé hier près de nous quand l’Ogre m’a conduite ici. » ”Bien qu’il me fût cruel et amer de me trouver exposée à perdre la vie, ce qui est naturel à tous, je n’avais du moins qu’à pleurer sur mon triste sort. Mais maintenant, la pensée que tu dois mourir me rendra ta mort plus douloureuse que la mienne.” Elle poursuit en se montrant plus affligée du sort de Norandin que de son propre malheur. » “C’est l’espoir de te sauver, toi et tous nos compagnons, qui m’a fait venir ici, – lui dit le roi. – Si je ne puis y parvenir, il vaut mieux que je meure aussi, car je ne puis vivre privé de ta – 334 –